- BRASÍLIA
- BRASÍLIALe 21 avril 1960, le président de la République, Juscelino Kubitschek, inaugurait solennellement Brasília, nouvelle capitale fédérale du Brésil. Quatre ans auparavant, il n’y avait rien sur ce plateau, à plus de 1 000 kilomètres à l’intérieur des terres, que des arbres maigres et rabougris au milieu de la savane et quelques cabanes abritant des gardiens de troupeaux errants dont l’élevage extensif constituait la seule activité économique au sein de ce véritable désert humain. Il s’en faut encore que Brasília soit une grande métropole, pilier de l’armature urbaine du Brésil entier... mais divers indices, dont sa croissance et son dynamisme, permettent d’affirmer qu’elle est déjà une grande ville et qu’elle pourra sans doute un jour jouer ce rôle. Renverser des tendances séculaires dans l’implantation des métropoles et des noyaux de mise en valeur est une œuvre de longue haleine. L’an 2000 montrera si Brasília a réussi une telle transformation.Un pariDès l’indépendance, en 1822, les hommes d’État brésiliens ont commencé à caresser le rêve de déplacer la capitale pour la fixer au centre du pays et briser l’opposition entre le Brésil peuplé du littoral et le Brésil vide des immensités intérieures. La mise en valeur de l’époque coloniale avait, en effet, multiplié les villes du bord de la mer, ports destinés à embarquer les richesses brutes du pays vers la métropole et à y apporter les produits fabriqués. Toute l’évolution du XIXe et du XXe siècle n’aboutit qu’à développer les zones et les villes littorales, et l’idée de construire une nouvelle capitale à l’endroit du plateau où naissent les trois grands bassins hydrographiques du Brésil – Amazone, São Francisco, Paraná – resta sans effet jusqu’à 1956, date à laquelle la décision fut enfin prise de réaliser en quatre ans une ville entièrement nouvelle, destinée à devenir la nouvelle capitale fédérale en remplacement de Rio de Janeiro.On commença par choisir et aménager le site même de la future cité: un élément de plateau entre quatre rivières aux vallées larges et peu encaissées qui toutes confluaient en aval dans une gorge assez étroite et profonde. Il suffit alors de construire un barrage à cet endroit pour que les quatre vallées se transforment en un lac à quatre branches, enserrant l’emplacement de la ville et ajoutant un peu d’humidité à un climat très lumineux et tempéré par l’altitude, mais un peu trop sec pendant les mois d’hiver, de mai à septembre.Naissance de la villeSur ce site ainsi transformé, Brasília fut construite selon un plan d’ensemble, dit plan pilote, qui ne laissait rien au hasard. On commença par les infrastructures: rues, égouts, électricité, adduction d’eau, terrassements. Puis débuta la construction d’immeubles, chaque type ayant un emplacement précis: zone des banques, des ministères, des immeubles de résidence, des villas. Cet immense chantier situé loin de tout était une entreprise presque impossible: sans moyens de communication, sans main-d’œuvre, sans matières premières. Les premiers transports de matériaux se firent par avion! On ouvrit ensuite des routes qui relièrent Brasília à la côte. Ainsi commença la grande réalisation de l’étoile des routes qui sillonnent tout le Brésil à partir de la nouvelle capitale fédérale et symbolisent l’unité du pays. Certaines étaient déjà achevées en 1960, d’autres en voie d’achèvement, en particulier la plus célèbre qui, de Brasília à Belém, coupe plus de 2 000 kilomètres de forêt dense. La ville elle-même, au moment de son inauguration, commençait à peine à disposer des bâtiments nécessaires pour un début d’activité. On peut essayer de dresser un bilan de ce qu’elle est, à la fin des années quatre-vingt.La ville elle-même, dans les limites du plan pilote, compte environ 450 000 habitants, mais la population totale dépasse 1 500 000 habitants, si l’on compte tous ceux qui vivent alentour dans les villes satellites. La fonction fondamentale de Brasília reste, par définition, celle de capitale fédérale et les emplois les plus nombreux sont fournis par tous les ministères et services annexes. Une autre partie de la population active travaille dans les hôpitaux, les écoles, les lycées, l’université ou l’administration même de la ville. Bref, tout ce qui relève du secteur tertiaire public est en place, puisqu’il suffisait d’une décision de l’État pour le transplanter là. Les banques privées sont également très nombreuses mais elles ne sont souvent représentées que par des agences qui dépendent d’un siège social resté à Rio de Janeiro ou São Paulo. Les commerces répondent aux besoins des habitants mais ne dépassent guère cette fonction interne et ne constituent pas un centre de grande activité à l’échelle du pays. Dans l’ensemble, le secteur tertiaire privé est assez strictement un tertiaire induit, qui s’est implanté pour répondre aux besoins du marché urbain, mais n’en dépasse guère les limites. Une faible part de la population active, enfin, travaille dans le secteur industriel qui comprend déjà un certain nombre d’usines ou d’ateliers. Mais les branches représentées correspondent soit aux nécessités de la ville elle-même (matériaux en ciment, charpentes), soit au marché de consommation qu’elle représente (moulins, fabriques de boissons, etc.).La localisation de ces activités et d’une partie de la population qui les exerce obéit assez fidèlement aux indications du plan pilote, à l’intérieur de l’espace délimité par celui-ci. Brasília est organisé selon deux axes qui se coupent et forment une croix – certains la comparent à un avion avec un fuselage et ses deux ailes. L’axe principal – le fuselage – est réservé aux fonctions de la ville. On trouve d’abord les édifices gouvernementaux dessinés par Oscar Niemeyer: l’immense place des Trois-Pouvoirs, bordée du palais du Gouvernement, de celui de la Justice et de l’ensemble du pouvoir législatif: un gratte-ciel de bureaux, flanqué, de part et d’autre, de la coupole convexe du Sénat et de la coupole concave de l’Assemblée nationale; puis l’immense allée des ministères, tous semblables et précédés du très beau palais des Affaires étrangères. Viennent ensuite la cathédrale, le théâtre, puis la zone des banques, celles des commerces, des hôtels, et, au fond, la tour de la télévision. Au carrefour des deux axes, un système à trois étages évite les croisements. De part et d’autre, les bras de la croix – les ailes de l’avion – sont réservés aux immeubles de résidence, qui se distribuent de chaque côté de deux grandes voies routières. Au départ, le plan ne prévoyait aucun croisement grâce à un jeu de passage à deux niveaux, et il n’y avait pas de feux rouges à Brasília. Par la suite, l’évolution du trafic routier a montré que ce système n’était pas totalement adapté aux nécessités et qu’il occasionnait finalement de très nombreux accidents. Quelques aménagements ont été faits et un certain nombre de «faux croisements», c’est-à-dire d’entrées de deux routes dans le même sens, sont malgré tout munis de feux rouges qui sectionnent les entrées pour chacune des deux voies fusionnant. La partie se situant au sud de l’axe fonctionnel – aile sud – est entièrement construite et comprend soit des immeubles d’appartements groupés, le long des rues qui les séparent, en unités de voisinage (superquadras ) avec des commerces, des écoles et des lieux de divertissement, soit, sur les côtés, des immeubles beaucoup plus bas, voire des maisons particulières accolées. Les deux zones d’appartements abritent essentiellement les classes moyennes et supérieures mais ce cadre urbain qui ne correspondait pas totalement aux goûts de la fraction aisée de la population brésilienne a entraîné très rapidement la fuite des gens les plus riches. Ils ont pu obtenir des lots situés de part et d’autre du lac, répartis en deux ensembles distincts. Le premier, appelé «Rive lac sud», bordant l’aile sud de Brasília, le second «Rive lac nord» bordant l’aile nord entre les deux branches du lac. Les gens riches ont obtenu des lots dans ces ensembles prévus initialement pour l’implantation de résidences secondaires et de zones de loisirs, et se sont fait construire des villas souvent très luxueuses, parfois plus modestes, qui abritent maintenant une partie importante des couches aisées de la population de Brasília.Les «villes satellites»Mais superquadras ou villas des bords du lac supposent un niveau de vie qui est loin de correspondre à la totalité de la population de la ville. Payer des loyers importants, acheter un appartement ou se faire construire une maison supposent des moyens qui dépassent ceux des deux tiers, voire des trois quarts de la population massée à Brasília. En effet, la ville a très vite attiré une très forte migration de gens pauvres, venus des différentes régions du Brésil et plus particulièrement du Nordeste dans l’espoir de trouver un emploi. Une partie d’entre eux, ne trouvant pas d’emploi, compose une population qui ne vit que de petites activités leur procurant un niveau de vie très bas. De plus, les emplois permanents de Brasília, comme de toutes les villes du Brésil, sont souvent des emplois à très faible salaire qui correspondent aux personnels exerçant de petites activités domestiques, aux petits employés, voire aux petits fonctionnaires. Ainsi, les constructions du plan pilote n’ont pu abriter cette masse de population pauvre qui au départ s’était installée dans la «ville provisoire» de baraques qui avaient été construites pour abriter les ouvriers au moment des grands travaux. Un immense bidonville s’est ensuite développé aux alentours de cette unité d’habitations précaires située immédiatement au-delà du plan pilote. Ce qui fait qu’à partir de 1970, les autorités qui gèrent l’espace du district fédéral autour de ce plan pilote ont décidé de planifier des zones d’habitat pauvre appelées «villes satellites». Ces dernières abritent maintenant près de un million d’habitants et sont tantôt des villes composées de toutes petites maisons d’aspect modeste mais non misérable; elles abritent la fraction la plus modeste de la classe moyenne ou des employés à salaires fixes. Par ailleurs, d’autres villes ne sont constituées que de lotissements situés le long de rues à peine tracées, lotissements où les plus pauvres ont construit des baraques en planches ou en tôles qui correspondent à un paysage de bidonville, mais de bidonville planifié au niveau de la situation de chaque élément d’habitation puisque les lots ainsi que les rues sont bien tracés. Sur le plan de l’organisation de l’habitat, Brasília présente donc ce paradoxe d’une ségrégation sociale aggravée par rapport à celle que l’on voit dans les différentes villes du Brésil puisque les unités correspondant aux différentes catégories de niveau de vie sont séparées par des distances de plusieurs kilomètres voire de plusieurs dizaines de kilomètres, certaines villes satellites se situant à 20 ou à 25 kilomètres de la ville elle-même construite sur le plan pilote. Dans ces agglomérations satellites tantôt en planches, tantôt en ciment, les toutes petites maisons, très nombreuses, se serrent le long des rues bien tracées mais souvent non aménagées, et de part et d’autre d’une place ou d’un axe central où se groupent les services et les commerces. Malgré le caractère dominant de pauvreté, ces agglomérations sont souvent animées, peut-être davantage que la ville même de Brasília, malgré la beauté de ses constructions équilibrées au milieu des parcs et des jardins.Un rôle régionalEn dehors de cette influence sur ses alentours plus ou moins immédiats, la nouvelle capitale exerce aussi un véritable rôle régional à une échelle beaucoup plus vaste. Le problème de son approvisionnement en denrées alimentaires a poussé les pouvoirs publics à organiser, dans ses environs, des noyaux de colonisation agricole où se seront installés les migrants, trop nombreux, que la nouvelle ville a attirés et à qui elle n’a pu donner d’emplois urbains: Brasília a donc déclenché un processus de peuplement et de mise en valeur agricole de ses alentours. Cela se vérifie surtout le long des routes qui relient Brasília à Pôrto Alegre, au sud du pays, à São Paulo, à Rio de Janeiro, à Belém, au nord, et à la frontière bolivienne, à l’ouest.À une autre échelle, ses hôpitaux, ses collèges, son université drainent une vaste région dont les habitants viennent à la ville pour utiliser ses services. Capitale fédérale remplissant donc son rôle politique et administratif, Brasília est devenue également, sur le plan de l’organisation globale du territoire, un grand centre régional qui exerce un effet notable de polarisation de la vie économique et sociale sur un vaste espace.Brasíliacap. du Brésil depuis 1960, au centre du pays à 1 200 m d'alt., à 940 km au N.-E. de Rio de Janeiro, l'anc. cap.; 1 800 000 hab.; ch.-l. d'un distr. fédéral. Université. Aéroport.— Cette création (due à l'urbaniste L. Costa et à l'architecte O. Niemeyer) a stimulé la pénétration de la pop. dans l'intérieur du pays, mais les bidonvilles de l'époque de la construction n'ont pas été résorbés.
Encyclopédie Universelle. 2012.